Après avoir constaté que le défaut du bien vendu rend celui-ci impropre à sa destination, le juge ne peut pas condamner le vendeur à indemniser l’acheteur pour manquement à son obligation de délivrer un bien conforme à ce qu’ils étaient convenus.
Après avoir acquis un local à usage professionnel faisant partie d’un programme immobilier, l’acheteur se plaint des désordres affectant le plancher et poursuit le vendeur sur plusieurs fondements : la garantie des vices cachés, le défaut de délivrance d’un bien conforme et le dol.
La cour d’appel de Montpellier condamne le vendeur à verser 20 000 € de dommages-intérêts à l’acheteur pour manquement à l’obligation de délivrance en se fondant sur le raisonnement suivant : le défaut de portance du plancher rendait le local à usage d’atelier impropre à sa destination ; le dol du vendeur n’était pas prouvé ; la clause d’exclusion de la garantie des vices cachés devait s’appliquer ; l’acheteur invoquait, à titre subsidiaire, le défaut de délivrance conforme à sa destination du local à usage d’atelier.
La Cour de cassation censure cette décision. En effet, lorsque le défaut qui affecte le bien vendu le rend impropre à son usage normal , l’action en garantie des vices cachés constitue l’unique fondement possible de la demande de l’acquéreur.
à noter : Application classique de la distinction entre l’obligation de délivrance (C. civ. art. 1604), c’est-à-dire l’obligation, pour le vendeur, de fournir un bien conforme à ce qui a été convenu, et la garantie par lui des vices cachés , applicable aux vices qui rendent le bien vendu impropre à l’usage auquel il est destiné (C. civ. art. 1641 s.).
Lorsque le défaut affectant le bien vendu constitue à la fois un défaut de conformité et un vice caché, seule l’action en garantie des vices cachés est ouverte à l’acheteur (notamment, Cass. 3e civ. 24-4-2003 no 98-22.290 FS-PB : RJDA 8-9/03 no 826 ; Cass. 3e civ. 20-10-2010 no 09-68.052 FS-D : RJDA 2/11 no 125, excluant que le défaut soit sanctionné sur le terrain d’un manquement à l’obligation de délivrance ; Cass. com. 19-3-2013 no 11-26.566 FP-PB : RJDA 7/13 no 595, excluant la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle de droit commun prévue par l’ancien article 1147, devenu l’article 1231-1, du Code civil).
S’il relève l’existence d’un défaut rendant le bien impropre à sa destination, le juge doit se prononcer au regard de la garantie des vices cachés (Cass. 3e civ. 30-1-2020 no 18-26.790 F-D : RJDA 6/20 no 303). Le fait que l’acheteur ait, comme en l’espèce, renoncé à cette garantie par une clause de l’acte de vente n’autorise pas le juge à statuer sur un manquement à l’obligation de délivrance, même invoqué à titre subsidiaire.
Il en est de même lorsque le défaut invoqué relève à la fois de la garantie des vices cachés et d’une erreur commise par l’acheteur sur les qualités essentielles du bien vendu (notamment, Cass. 3e civ. 30-11-2017 no 16-24.518 F-D : RJDA 3/18 no 221). En revanche, l’existence d’un vice caché n’interdit pas à l’acheteur de demander l’annulation de la vente pour dol du vendeur (Cass. 1e civ. 6-11-2002 no 00-10.192 P : RJDA 3/03 no 249), solution à notre avis transposable au cas de violence.
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